C’est l’histoire d’une reconversion et d’un documentaire

Il était une fois, l’histoire d’une jeune femme de 30 ans, bac+5 en gestion de projets de coopération, en CDI, qui décide de tout envoyer promener et de démarrer un CAP en esthétique…

Le besoin du sentiment d’utilité sociale

Depuis le début de mon entrée dans la vie active, le choix d’un boulot plutôt qu’un autre s’est toujours fait en fonction du sentiment d’utilité sociale qu’il allait m’apporter et des valeurs qu’il portait. Il fallait que je sois fière de mon travail et que j’ai le sentiment d’œuvrer pour une société en phase avec mes aspirations (0 problème de chevilles…). Les critères argent, géographiques ou avantage ne rentraient jamais en ligne de compte (pour en savoir plus sur ma trajectoire pro, c’est ici !

Pour autant, je me suis toujours beaucoup questionnée dans mes boulots. Surtout sur ma légitimité. J’ai rarement eu l’impression de bien faire les choses, je voyais toujours ce que je pourrai faire et non ce que j’avais déjà fait. J’étais en phase avec mes valeurs mais dans un inconfort perpétuel d’imposture doublé d’un sentiment d’être trop exposée. Á chaque ‘crise’ de questionnements, le projet de l’esthétique remontait à la surface. J’y réfléchissais un peu, j’avais même rencontré des professionnels à un moment, en mode ‘enquête métier’. J’étais souvent ressortie ravie et portée par ces échanges avec des masseur-euses, des chef-fe-s d’entreprise, des esthéticiennes… Mais pour autant, je ne franchissais pas le cap. Je voyais toujours les limites de ce métier, de ce secteur : en quoi j’allais me sentir utile à la société en massant des gens, épilant des poils et en conseillant des cosmétiques ? Ça ne collait pas avec mes critères de choix et, en toute honnêteté, c’était moins valorisant pour moi de dire ‘Je suis esthéticienne’ plutôt que ‘Je travaille sur un chantier d’insertion’ ou ‘Je suis coordinatrice de projets de Service Civique’. C’est moche mais c’était ma réalité à l’époque. Je renvoyais donc toujours ce projet aux calendes grecques…

Le point de bascule

Sans un évènement personnel bouleversant survenu en 2015, je crois que je n’aurais jamais osé prendre la décision de tout changer. Á l’époque je travaille avec des jeunes en Service Civique. C’est une belle expérience mais je suis toujours aux prises avec ces questionnements sur ma légitimité, j’ai l’impression de ne pas avoir les moyens de faire correctement les choses, je me sens trop exposée… Bref, ça mouline toujours dans ma tête mais sans rien produire de concret.

Jusqu’au jour où je perds quelqu’un de très proche. L’annonce fut inattendue, brutale et l’onde de choc dévastatrice. Je subis l’effet de la dissociation. Je me vois continuer à vivre mais tout ce en quoi je croyais s’effondre. Je perds tous mes repères. Je me débats tant bien que mal dans cette débâcle et c’est là le terreau de ma décision : ma vie s’est effondrée ? Et bien je vais tout envoyer promener et particulièrement mon boulot.

Je me jette à corps perdu dans ce projet. Je demande et obtiens une rupture conventionnelle, je recherche une école, je vends ma voiture et trouve un boulot de nuit pour financer le projet et je démarre un CAP esthétique et hydrothérapie à Nantes en septembre 2016.

Marjorie, Maison Peau Éthic à Angers

Une année difficile

Cette année de CAP fut difficile. Je me retrouvais dans une école environnée de très jeunes filles dont je ne partageais ni les préoccupations ni les codes. Et même si ma classe était pour des adultes en reconversion, je me sentais différente, décalée. Je recherchais une profondeur dans l’approche du prendre soin et du toucher que je ne trouvais pas et je n’adhérais pas du tout à la pédagogie employée. J’avais une vision différente de la ‘beauté’. J’ai fait de belles rencontres et j’ai beaucoup travaillé. Je dirai même que c’est en CAP que j’ai appris à vraiment travailler. Au sens, faire, se tromper, ne pas y arriver et recommencer.

Je ne regrette pas du tout mon choix, mais je ne dresse pas non plus un tableau idyllique de la reconversion. Que ce soit en terme de temps, d’énergie et d’argent, ça peut être difficile. Par contre, je n’ai jamais douté de mon choix. Je ne me suis jamais retrouvé seule face à moi-même en mode ‘Qu’est-ce que je fous là ?’.

Et cette année m’a donné l’occasion de faire plusieurs stages dont un que j’ai effectué au sein d’un institut spécialisé en cosmétiques naturels et bios. C’était LE lieu dans lequel j’aurais souhaité travailler et il se trouve que suite à mon stage la gérante m’a proposé de me prendre en BP (Brevet Professionnel) pendant 2 ans. Le rêve ! L’éthique du lieu correspond à mes valeurs, je vais défendre des marques engagées et me sentir raccord dans mes fondements.

Une rencontre, une caméra et un documentaire plus tard…

Au début de cette nouvelle trajectoire il se trouve que j’ai été amené à rencontrer Lara. Lara était une copine de copine, réalisatrice tout juste revenue de Belgique et installée à Rennes et qui cherchais à faire un documentaire sur la reconversion. Notre amie en commun fait le lien quand je lui apprends que j’ai tout changé et entamé une formation en CAP esthétique. Et quelques jours plus tard je passe 2h au téléphone avec Lara pour discuter, s’appréhender et qu’elle me présente mon projet.

Elle voulait parler de reconversion, de choix de vie, de quête de l’équilibre et du bonheur. On se rencontre quelques jours plus tard à Nantes pour faire quelques images, je me laisse le temps de la réflexion puis c’est décidé : pas de soucis pour qu’elle me suive dans mon parcours.

A CONTINUER !